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Il y avait alors dans une solitude près de Paris un vieillard du nom de Lamoignon, nom illustre et consulaire dans les hautes magistratures de l’ancienne monarchie. Les Lamoignon étaient de ces familles parlementaires qui s’élevaient de siècle en siècle, par de longs services rendus à la nation, jusqu’aux premières fonctions du royaume, et non par les faveurs de cour ou par les caprices des rois. Ces familles conservaient ainsi dans leurs opinions et dans leurs mœurs quelque chose de populaire qui les rendait secrètement chères à la nation, et qui les faisait ressembler plutôt aux grandes familles patriciennes des républiques qu’aux familles militaires ou parvenues des monarchies. Le faible reste de liberté que les mœurs laissaient subsister dans l’ancienne monarchie reposait en entier sur cette caste. Seuls, ces magistrats rappelaient de temps en temps aux rois, dans des représentations respectueuses, qu’il y avait encore une opinion publique. C’était l’opposition héréditaire du pays.

Ce vieillard, du nom de Malesherbes, âgé de soixante-quatorze ans, avait été deux fois ministre de Louis XVI. Ses ministères avaient été de peu de durée, payés d’ingratitude et d’exil, non par le roi, mais par la haine du clergé, de l’aristocratie et des cours. Libéral et philosophe, Malesherbes était un de ces précurseurs qui devancent, dans un