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« Citoyens des tribunes, dit le président, Louis est à la barre. Vous allez donner une grande leçon aux rois, un grand et utile exemple aux nations. Souvenez-vous du silence qui accompagna Louis ramené de Varennes, silence précurseur du jugement des rois par les peuples. »

Le roi s’assit en face du fauteuil et dans la même enceinte où il était venu jurer la constitution. On fit lecture de l'acte d'accusation : c'était la longue énumération de tous les griefs que les factions de la Révolution avaient successivement élevés contre la couronne, en y comprenant leurs propres actes, depuis les journées des 5 et 6 octobre à Versailles jusqu’à la journée du 10 août. Toutes les tentatives de résistance du roi au mouvement qui précipitait la monarchie étaient appelées trahisons; c'était bien plus l'acte d'accusation de son caractère et des circonstances que l'acte d'accusation de ses crimes. Il n’y avait que sa nature de coupable. Mais le temps trop lourd pour tous, on le rejetait tout entier sur lui. Il payait pour le trône, pour l'aristocratie, pour le sacerdoce, pour l’émigration, pour La Fayette, pour les Girondins, pour les Jacobins eux-mêmes. C'était l’homme émissaire des temps antiques, inventé pour porter les iniquités de tous.

A mesure qu'on déroulait devant lui ce tableau des fautes de son règne, et qu'on remuait le sang du Champ de Mars, du 20 juin et du 10 août, pour en détourner la responsabilité sur lui seul, quelques-uns des conspirateurs de ces journées répandus parmi ses juges, tels que Pétion, Barbaroux, Louvet, Carra, Marat, Danton, Legendre, ne pouvaient s'empêcher de rougir et de baisser les yeux. Leur conscience leur disait intérieurement qu'il y avait pudeur à déclarer auteur de ces attentats celui qui en avait