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Dumouriez confondu, je suis atterré de la dangereuse confidence que vient de me faire Votre Majesté ; je ne la trahirai pas ; mais je suis entre le roi et la nation, et j’appartiens à ma patrie. Laissez-moi, continua-t-il avec une instance respectueuse, vous représenter que le salut du roi, le vôtre, celui de vos enfants, le rétablissement même de l’autorité royale, sont attachés à la constitution. Vous êtes entourés d’ennemis qui vous sacrifient à leurs propres intérêts. La constitution seule peut, en s’affermissant, vous couvrir et faire le bonheur et la gloire du roi. — Cela ne durera pas, prenez garde a vous ! » répliqua la reine avec un regard d’irritation et de menace. Dumouriez crut voir dans ce regard et entendre dans ce mot une allusion à des dangers personnels et une insinuation à la peur. « J’ai plus de cinquante ans, madame, reprit-il à voix basse et avec un accent où la fermeté du soldat s’unissait à l’attendrissement de l’homme, j’ai traversé bien des périls dans ma vie ; en acceptant le ministère, j’ai bien compris que ma responsabilité n’était pas le plus grand de mes dangers. — Ah ! s’écria la reine avec un geste d’horreur, il ne me manquait plus que cette calomnie et cet opprobre ; vous semblez croire que je suis capable de vous faire assassiner ! » Des larmes d’indignation lui coupèrent la voix. Dumouriez, aussi ému que la reine, rejeta loin de lui cette odieuse interprétation donnée à sa réponse. « Dieu me préserve, madame, de vous faire une si grave injure ! Votre âme est grande et noble, et l’héroïsme que vous avez montré dans tant de circonstances m’a pour jamais attaché à vous. » Elle fut calmée en un moment, et appuya sa main sur le bras de Dumouriez en signe de réconciliation.

Le ministre profita de ce retour de sérénité et de con-