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teur du roi, je suis l’homme de la nation. Je vous parlerai toujours le langage de la liberté et de la constitution. Souffrez que, pour mieux vous servir, je me renferme en public et au conseil dans ce que mon rôle a de constitutionnel, et que j’évite tous les rapports qui sembleraient révéler l’attachement personnel que j’ai pour vous. Je romprai à cet égard toutes les étiquettes ; je ne vous ferai point ma cour ; au conseil, je contrarierai vos goûts ; je nommerai pour représenter la France à l’étranger des hommes dévoués à la nation. Quand votre répugnance à mon choix sera invincible et motivée, j’obéirai ; si cette répugnance va jusqu’à compromettre le salut de la patrie et le vôtre, je vous supplierai de me permettre de me retirer et de me nommer un successeur. Pensez aux dangers terribles qui assiégent votre trône. Il faut le raffermir sur la confiance de la nation dans la sincérité de votre attachement à la Révolution. C’est une conquête qu’il dépend de vous de faire. J’ai préparé quatre dépêches dans ce sens aux ambassadeurs. J’y parle un langage inusité dans les rapports des cours entre elles, le langage d’une nation offensée et résolue. Je les lirai ce matin devant vous au conseil. Si vous approuvez mon travail, je continuerai à parler ainsi et j’agirai dans le sens de mes paroles ; sinon, mes équipages sont prêts, et, ne pouvant vous servir dans vos conseils, j’irai où mes goûts et mes études de trente ans m’appellent, servir ma patrie dans les armées. »

Le roi, étonné et attendri, lui dit : « J’aime votre franchise, je sais que vous m’êtes attaché, j’attends tout de vos services. On m’avait donné bien des impressions contre vous, ce moment les efface. Allez, et faites selon votre cœur et selon les intérêts de la nation, qui sont les miens. » Du-