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princes et quelques gentilshommes y formaient des rassemblements sans concert entre eux, qui combattaient en partisans plus qu’en citoyens, et qui se paraient d’une gloire personnelle sans influence pour le salut de la patrie. Dumouriez se servit de l’ascendant de la comtesse, s’efforça d’unir ces efforts isolés, forma une infanterie, créa une artillerie, s’empara de deux forteresses, menaça partout les Russes disséminés en corps épars sur les vastes plaines de la Pologne, aguerrit, disciplina ce patriotisme insubordonné des insurgés, et combattit avec succès Souwarow, ce général russe qui devait plus tard menacer de si près la république.

Mais le roi de Pologne Stanislas, créature couronnée de Catherine, voit le danger d’une insurrection nationale qui, en chassant les Russes, emporterait son trône. Il la paralyse en proposant aux fédérés d’adhérer lui-même à la confédération. Un d’eux, Bohucz, le dernier grand orateur de la liberté polonaise, renvoie au roi, dans un discours sublime, son perfide secours, et entraîne l’unanimité des confédérés dans le dernier parti qui reste aux opprimés, l’insurrection. Elle éclate, Dumouriez en est l’âme, il vole d’un camp à l’autre, il donne de l’unité au plan d’attaque. Cracovie, cernée, est près de tomber dans ses mains. Les Russes regagnent la frontière en désordre. Mais l’anarchie, ce fatal génie de la Pologne, dissout promptement l’union des chefs ; ils se livrent les uns les autres aux efforts réunis des Russes. Tous veulent avoir l’honneur exclusif de sauver la patrie ; ils aiment mieux la perdre que de devoir son salut à un rival. Sapieha, le principal chef, est massacré par ses nobles. Pulaski et Mickzenski, blessés, sont livrés aux Russes. Zaremba trahit sa