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Française, fille d’un architecte établi à Madrid, et endort quelques années son activité dans les délices d’un amour partagé. Un ordre du duc de Choiseul le rappelle à Paris, il hésite ; son amante elle-même le décide et se sacrifie à sa fortune, comme si elle eût entendu de si loin le pressentiment de sa gloire. Il arrive à Paris ; il est nommé maréchal général des logis de l’armée française en Corse : il s’y distingue comme partout. À la tête d’un détachement de volontaires il s’empare du château de Corte, dernier asile et demeure personnelle de Paoli. Il prend pour sa part du butin la bibliothèque de cet infortuné patriote. Le choix de ces livres et les notes dont ils étaient couverts de la main de Paoli révélaient un de ces caractères qui cherchent leur analogue dans les grandes figures de l’antiquité. Dumouriez était digne de cette dépouille, puisqu’il l’appréciait au-dessus de l’or. Le grand Frédéric appelait Paoli le premier capitaine de l’Europe. Voltaire le nommait le vainqueur et le législateur de sa patrie. Les Français rougissaient de le vaincre, la fortune de l’abandonner. S’il n’affranchit pas sa patrie, il mérita d’immortaliser sa lutte. Trop grand citoyen pour un si petit peuple, il ne laissa pas une gloire à la proportion de sa patrie, mais à la proportion de ses vertus. La Corse est restée au rang des provinces conquises, mais Paoli est resté au rang des grands hommes.