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Ses études fortes tournèrent de bonne heure son esprit vers l’histoire, ce poëme des hommes d’action. Plutarque le nourrissait de sa mâle substance. Il se moulait sur les figures antiques dessinées à nu par cet historien, l’idéal de sa propre vie ; seulement tous les rôles de ses divers grands hommes lui allaient également. Il les prenait tour à tour et les réalisait dans ses rêves, aussi propre à reproduire en lui le voluptueux que le sage, le factieux que le patriote, Aristippe que Thémistocle, Scipion que Coriolan. Il associait à ses études les exercices de la vie militaire, se façonnait le corps aux fatigues en même temps que l’âme aux grandes pensées ; également habile à manier l’épée et intrépide à dompter le cheval. Démosthène s’était fait par la patience un organe sonore avec une langue qui bégayait. Dumouriez, avec un tempérament faible et maladif dans son enfance, se faisait un corps pour la guerre. L’activité ambitieuse de son âme avait besoin de se préparer son instrument.


III

Rebelle à la volonté de son père, qui le destinait aux bureaux de la guerre, la plume lui répugnait ; il obtint une sous-lieutenance de cavalerie. Il fit, comme aide de camp du maréchal d’Armentières, la campagne du Hanovre ; dans la retraite, il saisit un drapeau des mains d’un fuyard, rallie deux cents cavaliers autour de lui, sauve une batterie de cinq pièces de canon et couvre le passage de l’armée.