Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répondit en femme qui avait prédit l’événement, et que la fortune ne surprend pas. « Le fardeau est lourd, dit-elle à Brissot, mais le sentiment de ses forces est grand chez Roland ; il en puisera de nouvelles dans la confiance d’être utile à la liberté et à son pays. »

Ce choix fait, les Girondins jetèrent les yeux sur Lacoste, commissaire ordonnateur de la marine, homme de bureau, esprit limité par la règle, mais cœur honnête et droit, échappant aux factions par la candeur de son âme. Jeté dans le conseil pour être le surveillant de son maître, il y devint naturellement son ami. Duranton, avocat de Bordeaux, fut appelé à la justice. Les Girondins, dont il était connu, se parèrent de son honnêteté, et comptèrent sur sa condescendance et sur sa faiblesse. Aux finances Brissot destina Clavière, économiste génevois, expulsé de son pays, parent et ami de Brissot, rompu à l’intrigue, émule de Necker, grandi dans le cabinet de Mirabeau pour élever un rival contre ce ministre odieux à Mirabeau. Homme du reste sans préjugés républicains et sans principes monarchiques, ne cherchant dans la Révolution qu’un rôle, et pour qui le dernier mot de tout était : parvenir. Son esprit, indifférent à tous les scrupules, était au niveau de toutes les situations et à la hauteur de tous les partis. Les Girondins, neufs aux affaires, avaient besoin d’hommes spéciaux à la guerre et aux finances, qui fussent pour eux des instruments de gouvernement. Clavière en était un. À la guerre ils avaient de Grave, par lequel le roi avait remplacé Narbonne ; de Grave, qui, des rangs subalternes de l’armée, venait d’être élevé au ministère de la guerre, avait des affinités avouées avec les Girondins. Ami de Gensonné, de Vergniaud, de Guadet, de Brissot, de Danton même, il espé-