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Il pouvait s’enfuir, mais sa fuite eût été interprétée contre le roi. Il se plaça généreusement entre la mort et son maître, innocent de tout, excepté de son amour pour lui.

Le roi sentit qu’il n’y avait plus qu’un degré entre l’abdication et lui : c’était de prendre son ministère parmi ses ennemis, et de les intéresser au pouvoir en le remettant entre leurs mains. Il céda au temps, il embrassa son ministre, il demanda aux Girondins de lui en imposer un autre. Les Girondins s’en étaient déjà sourdement occupés. On avait fait, au nom de ce parti, des ouvertures à Roland dès la fin de février. « La cour, lui disait-on, n’est pas éloignée de prendre des ministres jacobins : ce n’est pas par penchant, c’est par perfidie. La confiance qu’elle feindra de leur donner sera un piége. Elle voudrait des hommes violents pour leur imputer les excès du peuple et le désordre du royaume ; il faut tromper ses espérances perfides, et lui donner des patriotes fermes et sages. On songe à vous. »


XI

Roland, ambition aigrie dans l’obscurité, avait souri à ce pouvoir qui venait venger sa vieillesse. Brissot lui-même était venu chez madame Roland le 21 du même mois, et, répétant les mêmes paroles, lui avait demandé le consentement formel de son mari. Madame Roland était ambitieuse de puissance et de gloire. La gloire n’éclaire que les hauteurs. Elle désirait ardemment y faire monter son mari. Elle