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VI

On donnait un bal masqué à l’Opéra ; le roi devait s’y trouver : ils résolurent de profiter du mystère du déguisement et du désordre d’une fête pour y frapper sans montrer la main. Un peu avant le bal, le roi soupait avec un petit nombre de favoris. On lui remit une lettre, il l’ouvrit et la fut en plaisantant, puis il la jeta sur la table. L’auteur anonyme de cette lettre lui disait qu’il n’était ni l’ami de sa personne, ni l’approbateur de sa politique, mais qu’en ennemi loyal il croyait devoir l’avertir de la mort qui le menaçait. Il lui conseillait de ne point aller au bal ; ou, s’il croyait devoir s’y rendre, il l’engageait à se défier de la foule qui se presserait autour de lui, parce que cet attroupement autour de sa personne devait être le prélude et le signal du coup qui lui serait porté. Pour accréditer auprès du roi l’avertissement qu’il lui donnait, il lui rappelait dans les moindres circonstances son costume, ses gestes, son attitude, son sommeil dans son appartement de Haga pendant la soirée où il avait cru se reposer sans témoin. De tels signes de reconnaissance devaient frapper et intimider l’esprit de ce prince ; son âme intrépide lui fit braver non l’avertissement, mais la mort : il se leva et alla au bal.