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Le roi de Suède, averti par ses nombreux amis, qui le suppliaient de se tenir sur ses gardes, répondit comme César que le coup une fois reçu était moins douloureux que la crainte perpétuelle de le recevoir, et qu’il ne pourrait plus boire même un verre d’eau s’il prêtait l’oreille à tous ces avertissements ; il bravait la mort et se prodiguait à son peuple.

Les conjurés avaient fait plusieurs tentatives inutiles pendant la durée de la diète : le hasard avait sauvé le roi. Depuis son retour à Stockholm, ce prince allait souvent passer la journée seul à son château de Haga, à une lieue de la capitale. Trois des conjurés s’étaient approchés du château à cinq heures, pendant une soirée sombre d’hiver, armés de carabines ; ils avaient épié le roi, prêts à faire feu sur lui. L’appartement qu’il occupait était au rez-de-chaussée ; les flambeaux allumés dans la bibliothèque marquaient leur victime à leurs coups. Gustave, revenant de la chasse, se déshabilla, s’assit dans sa bibliothèque et s’endormit dans son fauteuil à quelques pas de ses assassins. Soit qu’un bruit inattendu leur donnât l’alarme, soit que le contraste solennel du sommeil de ce prince sans défiance avec la mort qui le menaçait attendrît leurs âmes, ils reculèrent cette fois encore, et ne révélèrent cette circonstance que dans leur interrogatoire, après l’assassinat. Le roi reconnut la vérité et la précision des circonstances. Ils étaient prêts à renoncer à leur projet, découragés par une sorte d’intervention divine et par la lassitude de porter si longtemps en vain leur complot, quand une occasion fatale vint les tenter avec plus de force et les décider au meurtre du roi.