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V

L’opinion, déjà agitée par la mort de Léopold, reçut un autre contre-coup par la nouvelle de la mort tragique du roi de Suède ; il fut assassiné la nuit du 16 au 17 mars 1792, dans un bal masqué. La mort semblait atteindre, coup sur coup, tous les ennemis de la France. Les Jacobins voyaient sa main dans toutes ces catastrophes ; ils s’en vantaient même par l’organe de leurs plus effrénés démagogues, mais ils proclamaient plus de crimes qu’ils n’en commettaient : ils n’avaient que leurs vœux dans tous ces tragiques événements.

Gustave, ce héros de la contre-révolution, ce chevalier de l’aristocratie, ne périt que sous les coups de sa noblesse. Prêt à partir pour l’expédition qu’il méditait contre la France, il avait assemblé sa diète pour assurer la tranquillité du royaume pendant son absence. Sa vigueur avait comprimé les mécontents ; cependant on lui annonçait comme à César que les ides de mars seraient une époque critique pour sa destinée. Mille indices révélaient une trame ; le bruit de son prochain assassinat était répandu dans toute l’Allemagne avant que le coup eût été frappé. Ces rumeurs sont le pressentiment des crimes qu’on médite ; il échappe toujours quelque éclair de l’âme des conspirateurs : c’est à cette lueur qu’on aperçoit l’événement avant qu’il soit accompli.