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répondit confidentiellement à ces dernières ouvertures dans une dépêche qu’il eut la loyauté de communiquer au comité diplomatique de l’Assemblée, composé de Girondins. Dans cette pièce, le ministre palliait les reproches adressés à l’Assemblée par l’empereur. Il semblait excuser la France plus que la justifier. Il confessait quelques troubles dans le royaume, quelques excès dans les clubs et dans la licence de la presse ; il attribuait ces désordres à la fermentation produite par les rassemblements d’émigrés et à l’inexpérience d’un peuple qui essaye sa constitution et qui se blesse en la maniant.

« L’indifférence et le mépris, disait-il, sont les armes avec lesquelles il convient de combattre ce fléau. L’Europe pourrait-elle s’abaisser jusqu’à s’en prendre à la nation française, parce qu’elle recèle dans son sein quelques déclamateurs et quelques folliculaires, et voudrait-elle leur faire l’honneur de leur répondre à coups de canon ? »

Dans une dépêche du prince de Kaunitz adressée à tous les cabinets étrangers, on lisait cette phrase : « Les derniers événements nous donnent des espérances ; il paraît que la majorité de la nation française, frappée elle-même des maux qu’elle préparait, revient à des principes plus modérés, et tend à rendre au trône la dignité et l’autorité, qui sont l’essence du gouvernement monarchique. » L’Assemblée garda le silence du soupçon. Ce soupçon s’éveilla pendant la lecture de ces notes et contre-notes diplomatiques échangées entre le cabinet des Tuileries et le cabinet de Vienne. Mais à peine M. de Lessart fut-il descendu de la tribune et la séance fut-elle levée, que les chuchotements de la défiance se changèrent en une clameur sourde et unanime d’indignation.