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leil brûlant se réverbérait sur le sable. Le ciel était pur, l’air sans mouvement. Cette fuite ressemblait à la promenade de Louis XIV à travers ces jardins. Rien n’en troublait le silence que le pas mesuré des colonnes et le chant des oiseaux dans les branches. La nature ne semblait rien savoir de ce qui se passait dans le cœur des hommes ce jour-là. Elle faisait briller ce deuil comme elle aurait souri à une fête. Seulement les précoces chaleurs de cette année avaient jauni déjà les marronniers des Tuileries. Quand le cortége entra sous les arbres, les pieds s’enfonçaient dans les amas de feuilles tombées pendant la nuit et que les jardiniers venaient de rassembler en tas pour les balayer pendant le jour. Le roi s’en aperçut ; soit par insouciance affectée d’esprit, soit par une triste allusion à son sort : « Voilà bien des feuilles, dit-il ; elles tombent de bonne heure cette année. » Manuel avait écrit quelques jours auparavant dans un journal que la royauté n’irait que jusqu’à la chute des feuilles. Le Dauphin, qui marchait à côté de madame de Tourzel, s’amusait à amonceler ces feuilles mortes avec ses pieds et à les rouler sur le passage de sa sœur. Enfance qui jouait sur le chemin de la mort !

Le président du département se détacha en cet endroit du cortége pour aller prévenir l’Assemblée de l’arrivée du roi et des motifs de sa retraite. La lenteur de la marche donna le temps à une députation de venir dans le jardin avant que le cortége eût achevé de le traverser. « Sire, dit l’orateur de la députation, l’Assemblée, empressée de concourir à votre sûreté, vous offre, à vous et à votre famille, asile dans son sein. » Les représentants se mêlèrent au cortége et entourèrent le roi.

La marche des colonnes à travers le jardin aperçue du