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sont ceux qui l’émeuvent. L’émotion est la conviction des masses. Vergniaud l’avait en lui et la communiquait à la foule. La conscience de travailler pour le bonheur du genre humain, la perspective de la reconnaissance des siècles, donnaient un noble orgueil à la France et une sorte d’enthousiasme à la cause de la liberté. C’est un des caractères de cet orateur qu’il élevait presque toujours la Révolution à la hauteur d’un apostolat, qu’il étendait son patriotisme à la proportion de l’humanité tout entière, et qu’il ne passionnait et n’entraînait le peuple que par ses vertus. De semblables paroles produisaient dans tout l’empire des contre-coups auxquels le roi et son ministère ne pouvaient résister.


XIV

D’ailleurs, on l’a vu, Vergniaud et ses amis avaient des intelligences dans le conseil. M. de Narbonne et les Girondins se rencontraient et se concertaient chez madame de Staël, dont le salon, tout retentissant des motions martiales, s’appelait alors le camp de la Révolution. L’abbé Fauchet, le dénonciateur de M. de Lessart, y puisait son ardeur pour le renversement de ce ministre. M. de Lessart, en amortissant autant qu’il le pouvait les menaces de la cour de Vienne et les colères de l’Assemblée, s’efforçait de donner du temps à de meilleurs conseils. Son attachement loyal à Louis XVI et sa prévoyance sensée et réfléchie lui faisaient