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» Et moi aussi, je vous dirai des émigrants : Entendez-vous dire qu’ils sont à Coblentz, des citoyens sans nombre volent pour les combattre. Sont-ils rassemblés sur les bords du Rhin, vous garnissez son cours de deux corps d’armée. Des puissances voisines leur accordent-elles un asile, vous vous proposez d’aller les attaquer. Entendez-vous dire, au contraire, qu’ils s’enfoncent dans le nord de l’Allemagne, vous posez les armes. Vous font-ils une nouvelle offense, votre indignation éclate. Vous fait-on de belles promesses, vous désarmez encore. Ainsi ce sont les émigrés et les cabinets qui les soutiennent qui sont vos chefs et qui disposent de vous, de vos conseils, de vos trésors et de vos armées ! (On applaudit.) C’est à vous de voir si ce rôle humiliant est digne d’un grand peuple.

» Une pensée échappe en ce moment à mon cœur, et je terminerai par elle. Il me semble que les mânes des générations passées viennent se presser dans ce temple pour vous conjurer, au nom de tous les maux que l’esclavage leur a fait éprouver, d’en préserver les générations futures dont les destinées sont entre nos mains ! Exaucez cette prière ! soyez à l’avenir une autre providence ! Associez-vous à la justice éternelle qui protége les peuples ! En méritant le titre de bienfaiteurs de votre patrie, vous mériterez aussi celui de bienfaiteurs du genre humain. »

Les applaudissements prolongèrent longtemps dans la salle le retentissement de l’émotion que ce discours avait portée dans tous les cœurs. C’est que Vergniaud, à l’exemple des orateurs antiques, au lieu de refroidir son éloquence dans les combinaisons de la politique, qui ne parle qu’à l’esprit, la trempait au feu d’une âme pathétique. Le peuple ne comprend que ce qu’il sent. Les seuls orateurs pour lui