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résigner ces instants suprêmes que les catastrophes les plus désespérées laissent encore aux grands caractères pour ressaisir la fortune. Quatre ou cinq mille combattants, ayant pour champ de bataille le palais des rois, avec des baïonnettes disciplinées, des canons, de la cavalerie, un roi à leur tête, une reine intrépide, des enfants innocents au milieu d’eux, une assemblée indécise à leur porte, la légalité et la constitution de leur côté, et l’opinion au moins partagée dans la nation, pouvaient peut-être repousser ces masses confuses et désordonnées que l’insurrection amenait lentement sur le château, rompre ces colonnes de peuple qui ne se grossissent que des incertains qu’elles entraînent, foudroyer ces Marseillais, qui étaient odieux dans Paris, balayer les faubourgs, rallier les bataillons flottants de la force civique par le prestige de la victoire, imposer à l’Assemblée, dont la majorité hésitait encore la veille, reprendre un moment l’ascendant de la légalité et de la force, faire appel à La Fayette et à Luckner, opérer la jonction avec les troupes à Compiègne, placer le roi au centre de l’armée, entre l’étranger et son peuple, et faire reculer à la fois la coalition et la Révolution quelques jours. Mais pour cela il fallait un héros : la monarchie n’avait qu’une victime.