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avec des cris de joie les bataillons de piques : « Nous sommes vos frères, et voilà l’ennemi ! leur disaient-ils en leur montrant du geste les fenêtres du roi. Rapportez sa tête et les têtes de sa femme et de ses enfants pour drapeau au bout de vos piques. » Les signes d’intelligence et les éclats de rire répondaient à ces imprécations.

Les portes qui séparaient la cour Royale des Tuileries n’étaient pas fermées. Le flux du peuple menaçait sans cesse d’en franchir le seuil. Deux Suisses furent placés en faction aux deux côtés de cette porte pour en interdire l’entrée. Un Marseillais sortit de la foule, le sabre nu à la main. « Misérables, dit-il aux Suisses en levant sur eux son arme, souvenez-vous que c’est la dernière garde que vous montez ! encore quelques heures, et nous allons vous exterminer ! » Des hommes, des enfants, des femmes, montant sur les épaules les uns des autres, se hissaient sur les toits et sur les murs qui s’étendaient entre le Carrousel et les cours du château. Ils insultaient de là les gardes nationaux et les Suisses. On entendait des appartements du roi ce bouillonnement du peuple grossissant d’heure en heure autour du palais.


XV

Dans l’intérieur du château, les forces, plus homogènes, n’étaient pas plus imposantes. Il y avait plus de résolution, mais non plus d’ensemble. Les chefs des bataillons de garde