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trembla à son tour : « Voilà le tocsin qui va sonner ! » se dirent les femmes, et elles rentrèrent dans la maison de Danton. Les hommes s’armèrent, Camille Desmoulins arriva avec un fusil. Sa femme s’enfuit dans l’alcôve, cacha son visage dans ses deux mains, et se mit à pleurer. Cependant, ne voulant pas révéler sa faiblesse en public, ni dissuader tout haut son mari de prendre part au combat, elle épia le moment de lui parler en secret, et lui dit tout bas ses terreurs. Camille Desmoulins rassura sa femme en lui jurant qu’il ne quitterait pas Danton. Le jeune Fréron, ami de Camille et qui adorait Lucile, avait l’air déterminé a périr. « Je suis las de la vie, disait-il, je ne cherche qu’à mourir. » Les pas de chaque patrouille dans la rue faisaient croire à madame Desmoulins qu’elle voyait son mari et ses amis pour la dernière fois. Elle alla se cacher dans le salon voisin, qui n’était pas éclairé, pour ne pas assister au départ des hommes. Quand ils furent sortis, elle revint s’asseoir sur une chaise près d’un lit, la tête sur son bras, et s’assoupit dans ses larmes.

Après une absence de quelques heures, Danton revint se coucher. Il n’avait pas l’air impatient de se mêler à l’action. À minuit, on vint coup sur coup le chercher. Il partit pour la commune. Le tocsin des Cordeliers tinta. C’était Danton qui le faisait sonner, pendant que sa parole, comme un autre tocsin, réveillait les Marseillais dans leur caserne. Les cloches sonnèrent longtemps ! Seule, baignée de larmes, à genoux devant la fenêtre, la tête cachée dans sa robe, madame Danton écoutait le tintement lugubre et fiévreux de cette cloche. Danton rentra de nouveau. Des hommes affidés venaient de minute en minute lui annoncer le progrès du soulèvement. À une heure, Camille Desmoulins