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textes de sa haine ; les émigrés eux-mêmes ne sont que ses instruments. Méprisons ces émigrés. C’est à la haute cour nationale seule de nous faire justice de ces princes mendiants ! Les électeurs de l’Empire ne sont pas dignes non plus de votre colère. La peur les fait d’avance se prosterner à vos pieds. Un peuple libre n’écrase pas ses ennemis à genoux. Frappez à la tête ! la tête, c’est l’empereur ! »

Il communiqua son emportement à l’Assemblée. Mais Brissot, politique habile, conseiller profond de son parti, n’était pas une de ces voix sonores qui élèvent l’accent d’une opinion jusqu’à la proportion d’une voix du peuple. Vergniaud seul avait ce don d’une âme où se résume en passion et où résonne en éloquence tout un parti. Il s’élevait par la méditation de l’histoire jusqu’aux scènes analogues de son temps dans les temps antiques, et il donnait à ses paroles la hauteur et la solennité de tous les temps.

« Notre Révolution, dit-il dans la même séance, a jeté l’alarme sur tous les trônes. Elle a donné l’exemple de la destruction du despotisme qui les soutient. Les rois haïssent notre constitution parce qu’elle rend les hommes libres et qu’ils veulent régner sur des esclaves. Cette haine s’est manifestée, de la part de l’empereur, par toutes les mesures qu’il a prises pour nous inquiéter ou pour fortifier nos ennemis et pour encourager les Français rebelles aux lois de leur patrie. Cette haine, il ne faut pas croire qu’elle cesse d’exister ; mais il faut qu’elle cesse d’agir ! Le génie veille sur nos frontières défendues par nos troupes de ligne, par nos gardes nationales, moins encore que par l’enthousiasme de la liberté. La liberté ! depuis sa naissance, elle est l’objet d’une guerre cachée, honteuse, qu’on lui fait dans son berceau même. Quelle est donc cette guerre ?