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la France. » Il sort accompagné jusqu’à son palais par les bénédictions de la foule. Il croit avoir reconquis le cœur des Français. Il embrasse la reine, sa sœur, ses enfants ; il voudrait pouvoir embrasser tout son peuple. Il fait rouvrir en signe de confiance le jardin des Tuileries, fermé depuis les attentats du 20 juin. La foule s’y précipite et vient assiéger de ses cris d’amour ces mêmes fenêtres qu’elle assiégeait la veille d’insultes. La famille royale crut à quelques beaux jours. Hélas ! le premier dont elle jouit depuis tant d’années ne dura pas jusqu’au soir.

L’arrêté du département qui suspendait Pétion de ses fonctions, apporté à la séance du soir, fit revivre les dissensions mal étouffées. Un sentiment, quelque doux qu’il soit, ne prévaut pas sur une situation. La haine s’était détendue un instant, mais elle était dans les choses plus que dans les cœurs ; elle vibra de nouveau avec plus de force.

Le peuple accompagna de cris de mort le directoire du département, que l’Assemblée avait appelé dans son sein. « Rendez-nous Pétion ! La Rochefoucauld à Orléans ! » Ces vociférations terribles vinrent refouler jusque dans le cœur du roi la joie passagère qui l’avait traversé. La séance des Jacobins fut plus turbulente que la veille. « On s’embrasse à l’Assemblée, dit Billaud-Varennes ; c’est le baiser de Judas, c’est le baiser de Charles IX tendant la main à Coligny ! On s’embrassait ainsi au moment où le roi préparait sa fuite au 6 octobre. On s’embrassait ainsi avant les massacres du Champ de Mars ! On s’embrasse, mais les conspirations de la cour cessent-elles ? Nos ennemis en avancent-ils moins contre nos frontières ? Et La Fayette en est-il moins un traître ?… »