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à calomnier le roi par la mort d’un patriote, jura à son ami cette odieuse supercherie de la haine. Le rendez-vous de l’assassinat fut fixé, l’heure convenue, le signe concerté. Grangeneuve se retira chez lui, fit son testament, se prépara à la mort, et se rendit à minuit à l’endroit marqué. Il s’y promena deux heures. Il vit s’avancer plusieurs fois des hommes qu’il prit pour ses assassins apostés. Il fit le signe convenu et attendit le coup. Nul ne frappa. Chabot avait hésité à l’accomplir, ou faute de résolution, ou faute d’instruments. La victime n’avait pas manqué au sacrifice, mais le meurtrier.


VI

Au milieu de ces prodiges de haine, un homme tenta un prodige de réconciliation des partis. C’était Lamourette, ancien grand vicaire de l’évêque d’Arras et alors évêque constitutionnel de Lyon. Sincèrement religieux, la Révolution en passant par son âme avait pris quelque chose de la charité du christianisme. Il était vénéré de l’Assemblée pour la vertu la plus rare dans les luttes d’idées, la modération. Il recueillit en un jour le fruit de l’estime qu’on lui portait. Brissot allait monter à la tribune pour proposer de nouvelles mesures de sûreté générale. Lamourette le devance et demande au président la parole pour une motion d’ordre. Il l’obtient. « De toutes les mesures, dit-il, qu’on vous proposera pour arrêter les divisions qui nous déchirent, on n’en