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Le même fer défend le cœur du pays dans la main du soldat, et égorge les victimes dans la main du bourreau.


XXIX

La Marseillaise conserve un retentissement de chant de gloire et de cri de mort ; glorieuse comme l’un, funèbre comme l’autre, elle rassure la patrie et fait pâlir les citoyens. Voici son origine.

Il y avait alors un jeune officier du génie en garnison à Strasbourg. Son nom était Rouget de Lisle. Il était né à Lons-le-Saulnier, dans ce Jura, pays de rêverie et d’énergie, comme le sont toujours les montagnes. Ce jeune homme aimait la guerre comme soldat, la Révolution comme penseur ; il charmait par les vers et par la musique les lentes impatiences de la garnison. Recherché pour son double talent de musicien et de poëte, il fréquentait familièrement la maison du baron de Dietrich, noble alsacien du parti constitutionnel, ami de La Fayette et maire de Strasbourg. La femme du baron de Dietrich, ses jeunes amies, partageaient l’enthousiasme du patriotisme et de la Révolution, qui palpitait surtout aux frontières, comme les crispations du corps menacé sont plus sensibles aux extrémités. Elles aimaient le jeune officier, elles inspiraient son cœur, sa poésie, sa musique. Elles exécutaient les premières ses pensées à peine écloses, confidentes des balbutiements de son génie.