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tements. Le désordre des vêtements du roi, de sa sœur, des enfants ; ces bonnets rouges, ces cocardes attachées de force sur leur tête ; les cheveux épars de la reine, la pâleur de ses traits, l’agitation de ses lèvres, les ruisseaux de ses larmes sur ses joues, étaient des traces plus criantes que ces débris laissés par le peuple sur le champ de bataille de la sédition. Ce spectacle mouillait tous les yeux et arrachait de l’indignation aux cœurs même des députés les plus hostiles à la cour. La reine s’en aperçut. « Vous pleurez, monsieur ! dit-elle à Merlin. — Oui, madame, répondit le député stoïque, je pleure sur les malheurs de la femme, de l’épouse, de la mère ; mais mon attendrissement ne va pas plus loin, je hais les rois et les reines ! » Ce mot, qui pouvait être sublime à sa place, était révoltant dans un pareil moment, devant un roi avili, des enfants innocents, une femme outragée. Il dut frapper au cœur de la reine plus cruellement que les coups de hache du peuple aux portes de son palais. Il lui annonçait par la voix d’un seul homme l’inflexibilité de la Révolution. Fallait-il associer la haine à la pitié dans la même expression devant de pareilles infortunes ? Les opinions les plus rigides n’ont-elles pas aussi leur décence et leur pudeur qui leur défendent de se dévoiler quand elles ne peuvent que blesser des cœurs saignants ? Et n’y a-t-il pas dans la nature de l’homme quelque chose de plus saint et de plus permanent que ces haines d’opinion, nous voulons dire l’attendrissement sur les vicissitudes du sort, le respect de la fortune tombée et la compassion pour la douleur ?

Telle fut la journée du 20 juin. Le peuple y montra de la discipline dans le désordre et de la retenue dans la violence ; le roi, une héroïque intrépidité dans la résignation ;