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étonnant, répondit le roi avec une indignation concentrée, car il y a longtemps que cela dure. »

Pétion monta sur une chaise, harangua à plusieurs reprises la foule immobile sans pouvoir obtenir qu’elle s’ébranlât. À la fin, se faisant élever plus haut sur les épaules de quatre grenadiers : « Citoyens et citoyennes, dit-il, vous avez exercé avec dignité et modération votre droit de pétition ; vous finirez cette journée comme vous l’avez commencée. Jusqu’ici votre conduite a été conforme à la loi ; c’est au nom de la loi que je vous somme maintenant de suivre mon exemple et de vous retirer. »

La foule obéit à Pétion et s’écoula lentement en traversant la longue avenue des appartements du château. À peine le flot commença-t-il à baisser que le roi, dégagé par les grenadiers de l’embrasure où il était emprisonné, rejoignit sa sœur, qui tomba dans ses bras ; il sortit avec elle par une porte dérobée, et courut rejoindre la reine dans son appartement. Marie-Antoinette, soutenue jusque-là par sa fierté contre les larmes, succomba à l’excès de son émotion et de sa tendresse en revoyant le roi. Elle se précipita à ses pieds, et, enlaçant ses genoux dans ses embrassements, elle se répandit non en sanglots, mais en cris. Madame Élisabeth, les enfants, serrés dans les bras les uns des autres et tous dans les bras du roi qui pleurait sur eux, jouissaient de se retrouver comme après un naufrage, et leur joie muette s’élevait au ciel avec l’étonnement et la reconnaissance de leur salut. Les gardes nationaux fidèles, les généraux amis du roi, le maréchal de Mouchy, MM. des Aubiers, Acloque, félicitèrent le roi du courage et de la présence d’esprit qu’il avait montrés. On se raconta mutuellement les périls auxquels on venait d’échapper, les propos