Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ries sur ce martyre de honte imposé au roi. Un moment le bruit courut qu’il était assassiné.

Il n’y eut pas un cri d’horreur dans cette multitude. Elle leva les yeux vers le balcon pour voir si on lui montrait le cadavre. Cependant, au milieu de sa rage, la multitude semblait avoir besoin de réconciliation. Un homme du peuple tendit un bonnet rouge au bout d’une pique à Louis XVI. « Qu’il s’en coiffe ! qu’il s’en coiffe ! cria la foule, c’est le signe de patriotisme ; s’il s’en pare, nous croirons à sa bonne foi ! » Le roi fit signe à un des grenadiers de lui donner le bonnet rouge ; il le plaça en souriant sur sa tête. On cria : « Vive le roi ! » Le peuple avait couronné son chef du signe de la liberté, le bonnet de la démagogie remplaçait le diadème de Reims. Le peuple était vainqueur, il se sentit apaisé !

Mais de nouveaux orateurs, montés sur les épaules de leurs camarades, ne cessaient de demander au roi, tantôt avec supplications, tantôt avec menaces, de promettre le rappel de Roland et la sanction des décrets. Louis XVI, invincible dans sa résistance constitutionnelle, éluda ou refusa toujours d’acquiescer aux injonctions des séditieux. « Gardien de la prérogative du pouvoir exécutif, je ne la livrerai pas à la violence, répondit-il ; ce n’est pas le moment de délibérer quand on ne délibère pas librement. — N’ayez pas peur, Sire, lui dit un grenadier de la garde nationale. — Mon ami, lui répondit le roi en lui prenant le bras et en l’approchant de sa poitrine, mets ta main là, et vois si mon cœur bat plus vite qu’à l’ordinaire. » Ce geste, ces paroles de confiance intrépide, vu et entendues de la foule, retournèrent le cœur des séditieux.

Un homme en haillons, tenant une bouteille à la main,