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la nation ! » et les invite à enlever les baïonnettes de leurs fusils : les baïonnettes tombent ; le rassemblement s’écoule par la porte du Pont-Royal, et se replie sur les guichets du Carrousel qui fermaient cette place du côté de la Seine. La garde de ces guichets cède de nouveau, laisse passer un certain nombre de séditieux, et se referme. Ces hommes, échauffés par la marche, par les chants, par les acclamations de l’Assemblée et par l’ivresse, se répandent en hurlant dans les cours du château. Ils courent aux portes principales, ils assiégent les postes qui les défendent, ils appellent à eux leurs camarades du dehors, ils ébranlent les gonds de la porte Royale. L’officier municipal Panis ordonne de l’ouvrir. Le Carrousel est forcé. Les masses semblent hésiter un moment devant les pièces de canon braquées contre elles et devant les escadrons de gendarmerie en bataille. Saint-Prix, commandant de canonniers, séparé de ses pièces par un mouvement de la foule, fait porter au commandant en second l’ordre de les replier sur la porte du château. Cet officier refuse d’obéir. « Le Carrousel est forcé, dit-il à haute voix, il faut que le château le soit aussi. À moi, canonniers ; voilà l’ennemi ! » Il montre du geste les fenêtres du roi, retourne ses pièces et les braque contre le palais. Les troupes, démoralisées par cette désertion de l’artillerie, restent en bataille, mais répandent devant le peuple les amorces de leurs fusils en signe de fraternité, et livrent tous les passages aux séditieux.

Le commandant de la garde nationale, témoin de ce mouvement, crie de la cour à ses grenadiers, qu’il voit aux fenêtres de la salle des Gardes, de prendre les armes pour défendre l’escalier. Les grenadiers, au lieu d’obéir, sortent du palais par la galerie du côté du jardin. Santerre, Thé-