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le jour, pour concentrer d’abord les rassemblements et pour leur imprimer ensuite la direction et le mouvement vers les quais et vers les Tuileries. Varlet, Gonchon, Ronsin, Siret, lieutenants de Santerre, exercés à cette tactique des mouvements depuis les premières agitations de 89, étaient chargés des mêmes manœuvres dans le faubourg Saint-Antoine. Les rues de ce quartier, pleines d’ateliers, de fabriques, de maisons de vin et de bière, véritables casernes de misère, de travail et de sédition, qui se prolongent de la Bastille à la Roquette et à Charenton, contenaient à elles seules une armée d’invasion contre Paris.


VII

Cette armée connaissait depuis trois ans ses chefs. Ils se postaient à l’ouverture des principaux carrefours à l’heure où les ouvriers sortent des ateliers ; ils prenaient une chaise et une table dans le cabaret le plus renommé : debout sur ces tribunes avinées, ils appelaient quelques passants par leurs noms, les groupaient autour d’eux ; ceux-ci arrêtaient les autres, la rue s’obstruait, le rassemblement se grossissait de tous ces hommes, de toutes ces femmes, de tous ces enfants qui courent au bruit. L’orateur pérorait cette foule. Le vin ou la bière circulait gratuitement autour de la table. La cessation du travail, la rareté du numéraire, la cherté du pain, les manœuvres des aristocrates pour affamer Paris, les trahisons du roi, les orgies de la reine, la