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tait ni cette adoration ni les outrages dont il fut plus tard abreuvé. C’était un brave et rude soldat, aussi dépaysé dans les cours que dans les clubs. Il servit quelques jours d’idole, puis de jouet aux Jacobins, qui le jetèrent enfin à l’échafaud, sans qu’il pût même comprendre ni sa popularité ni son crime.


XIV

Berthier, devenu depuis la main droite de Napoléon, était alors chef d’état-major de Luckner. Le vieux général avait saisi avec l’instinct de la guerre le plan hardi de Dumouriez. Il était entré, à la tête de vingt-deux mille hommes, sur le territoire autrichien à Courtray et à Menin. Biron et Valence, ses deux lieutenants, le conjuraient d’y rester. Dumouriez lui faisait par lettres les mêmes instances. En arrivant à Lille, Dumouriez apprit que Luckner avait subitement rétrogradé sur Valenciennes après avoir brûlé les faubourgs de Courtray, donnant ainsi sur toutes nos frontières le signal de l’hésitation et de la retraite.

Les populations belges, comprimées dans leur élan par ces désastres ou par les timidités de la France, perdaient l’espoir et s’assouplissaient au joug autrichien. Tout se resserrait et s’alarmait sur nos frontières. Le général Montesquiou rassemblait avec peine l’armée du Midi. Le roi de Sardaigne groupait des forces considérables sur le Var. L’avant-garde de La Fayette, postée à Gliswel, à une lieue