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Danton n’était pas seulement un de ces aventuriers de la démagogie qui surgissent, comme Masaniello ou comme Hébert, des bouillonnements des masses. Il sortait des rangs intermédiaires et du cœur même de la nation. Sa famille, pure, probe, propriétaire et industrielle, ancienne de nom, honorable de mœurs, était établie à Arcis-sur-Aube et possédait un domaine rural aux environs de cette petite ville. Elle était du nombre de ces familles modestes, mais considérées, qui ont pour base le sol, pour occupation principale la culture, mais qui donnent à leurs fils l’éducation morale et littéraire la plus complète, et qui les préparent ainsi aux professions libérales de la société. Le père de Danton était mort jeune. Sa mère s’était remariée à un fabricant d’Arcis-sur-Aube, qui possédait et qui dirigeait une petite filature. On voit encore près de la rivière, en dehors de la ville, dans un site gracieux, la maison moitié citadine, moitié rustique, et le jardin au bord de l’Aube où s’écoula l’enfance de Danton.

Son beau-père, M. Ricordin, soigna son éducation comme il eût soigné celle de son propre fils. L’enfant était ouvert, communicatif ; on l’aimait malgré sa laideur et sa turbulence. Car sa laideur rayonnait d’intelligence, et sa fougue s’apaisait et se repentait à la moindre caresse de sa mère. Il fit ses études à Troyes, capitale de la Champagne.