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VIII

De ce jour les Girondins, dégagés de toute obligation avec le roi et avec les ministres, conspirèrent secrètement chez madame Roland, publiquement à la tribune, la suppression de la monarchie. Ils semblaient envier aux Jacobins l’honneur de porter au trône les coups les plus mortels. Robespierre ne parlait encore qu’au nom de la constitution, il se renfermait dans la loi, il ne devançait pas le peuple. Les Girondins parlaient déjà au nom de la république, et montraient de l’œil et du geste le coup d’État républicain dont chaque jour les rapprochait davantage. Les conciliabules chez Roland se multipliaient et s’élargissaient. Des hommes nouveaux s’affiliaient : Roland, Brissot, Vergniaud, Guadet, Gensonné, Condorcet, Pétion, Lanthenas, qui à l’heure du danger les trahit ; Valazé, Pache, qui persécuta et décima ses amis ; Grangeneuve, Louvet, qui cachait une grande énergie sous la légèreté des mœurs et la gaieté de l’esprit ; Chamfort, familier des grands, esprit lucide, cœur haineux, découragé du peuple avant de l’avoir servi ; Carra, journaliste populaire, enthousiaste de la république, possédé du délire de la liberté ; Chénier, poëte de la Révolution, destiné à lui survivre et gardant son culte jusqu’à la mort sous la tyrannie de l’Empire ; Dusaulx, portant sous ses cheveux blancs la jeunesse de l’enthousiasme pour la philosophie, nestor de tous ces jeunes hommes, les modé-