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des dons de l’intelligence que des dons du corps, Barbaroux s’exerça de bonne heure dans la parole, ce luxe des hommes du Midi. On le fit avocat ; il plaida avec talent quelques causes publiques. Mais la puissance et la sincérité de son âme répugnaient à cette éloquence souvent mercenaire qui simule la passion. Il lui fallait de ces causes nationales où l’on donne avec sa parole son âme et son sang. La Révolution, avec laquelle il était né, les lui offrait. Il attendait avec impatience l’occasion et l’heure de la servir.

Son adolescence le retenait encore éloigné de la scène où il brûlait de s’élancer. Il en passait les jours près du village d’Ollioules, dans une petite propriété de sa famille, cachée sous les pins qui tachent seuls d’un peu d’ombre les pentes calcinées de cette vallée. Il y soignait les petites cultures que l’aridité du sol et l’ardeur de ce soleil disputent aux rochers. Dans ses loisirs il étudiait les sciences naturelles ; il entretenait des correspondances avec deux Suisses, dont les systèmes de physique occupaient alors le monde savant : M. de Saussure et Marat. Mais la science ne suffisait pas à cette âme : elle débordait de sentiment. Barbaroux l’épanchait dans des poésies élégiaques brûlantes comme le Midi, vagues comme l’horizon qu’il avait sous les yeux. On y sent cette mélancolie méridionale dont la langueur tient plus de la volupté que de la faiblesse, et qui ressemble aux chants de l’homme assis au soleil avant ou après l’action. Mirabeau avait ainsi ouvert sa vie. Les génies les plus énergiques commencent souvent par la tristesse, comme s’ils avaient dans le germe de leur vie les pressentiments de leur âpre destinée. On dirait, en lisant les vers de ce jeune homme, qu’à travers ses premières