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IV

En rentrant chez lui, Dumouriez apprit qu’il y avait des rassemblements au faubourg Saint-Antoine. Il en avertit le roi. Ce prince crut qu’on voulait l’effrayer. Il perdit sa confiance dans Dumouriez. Celui-ci offrit sa démission ; elle fut acceptée. Le portefeuille du ministère des affaires étrangères fut confié à Chambonas ; celui de la guerre à Lajard, militaire du parti de La Fayette ; celui de l’intérieur à M. de Monciel, constitutionnel feuillant et ami du roi. C’était le 17 juin ; les Jacobins, le peuple, guidés par les Girondins, agitaient déjà la capitale ; tout annonçait une prochaine insurrection. Ces ministres, sans force armée, sans popularité et sans parti, acceptaient ainsi la responsabilité des périls accumulés par leurs prédécesseurs. Le roi vit une dernière fois Dumouriez. Les adieux du monarque et de son ministre furent touchants.

« Vous allez donc à l’armée ? dit le roi. — Oui, Sire, répondit Dumouriez. Je quitterais avec délices cette affreuse ville, si je n’avais le sentiment des dangers de Votre Majesté. Écoutez-moi, Sire, je ne suis plus destiné à vous revoir. J’ai cinquante-trois ans et de l’expérience. On abuse votre conscience sur le décret des prêtres. On vous conduit à la guerre civile. Vous êtes sans force, vous succomberez, et l’histoire, tout en vous plaignant, vous accusera des malheurs de votre peuple. » Le roi était assis près de la