Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui ressemblait à l’amour plus qu’à la complaisance, aux influences de madame Roland, et de faire échouer tout le plan d’invasion en Belgique. Les amis de madame Roland, de leur côté, menaçaient Dumouriez de lui faire demander compte par l’Assemblée des six millions de dépenses secrètes dont ils suspectaient l’emploi. Déjà même Guadet et Vergniaud avaient préparé des discours et un projet de décret pour demander le compte public de ces sommes. Dumouriez, qui s’était acheté des amis et des complices avec cet or parmi les Jacobins et les Feuillants, se révolta contre le soupçon, se refusa, au nom de son honneur outragé, à tout rendement de compte, et offrit résolûment sa démission. À cette nouvelle, un grand nombre de membres de l’Assemblée, de Feuillants, de Jacobins, Pétion lui-même, se rendent chez le ministre outragé, et le conjurent de garder son poste. Il y consent à condition qu’on laissera la disposition de ces fonds à sa seule conscience. Les Girondins, intimidés eux-mêmes par sa retraite, et sentant qu’un homme de ce caractère était indispensable à leur faiblesse, renoncèrent à leur décret et lui votèrent la confiance publique. Le peuple l’applaudit en sortant de l’Assemblée. Ces applaudissements retentissaient douloureusement dans le conciliabule de madame Roland. La popularité de Dumouriez la rendait jalouse. Ce n’était pas à ses yeux la popularité de la vertu. Elle la voulait tout entière pour son mari et pour son parti. Roland et ses collègues girondins, Servan, Clavière, redoublaient d’efforts, de violences sur l’esprit du roi, et de dénonciations pour la conquérir. Flatter l’Assemblée, courtiser le peuple, irriter les Jacobins contre la cour, obséder le roi par la demande impérieuse de sacrifices qu’ils savaient lui être impossibles, le dénoncer sour-