Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

favorable à la démocratie, et qui aurait pardonné à la Révolution, si la Révolution elle-même avait voulu pardonner à la royauté. Ses infirmités précoces lui interdisant les armes, il s’armait de politique, il cultivait son esprit, il étudiait l’histoire, il écrivait bien ; il pressentait la chute prochaine, il redoutait la mort probable de Louis XVI ; il croyait aux vicissitudes des révolutions, et se préparait de loin à devenir le pacificateur de son pays et le conciliateur du trône et de la liberté. Son cœur peu viril avait des défauts et des qualités de femme. Il avait besoin d’amitié, il se donnait à des favoris ; il les choisissait à la grâce plutôt qu’au mérite. Il ne voyait les choses et les hommes qu’à travers les livres ou à travers le cœur de ses courtisans. Prince un peu théâtral, il posait comme une statue du droit et du malheur devant l’Europe. Il étudiait ses attitudes, il parlait académiquement de ses adversités, il se drapait en victime et en sage. L’armée ne l’aimait pas.


XV

Le comte d’Artois, plus jeune que lui, gâté par la nature, par la cour et par les femmes, avait pris le rôle du héros. Il représentait à Coblentz l’antique honneur, le dévouement chevaleresque, le caractère français. Il était adoré de la noblesse de cour, dont il personnifiait la grâce, l’élégance et l’orgueil. Son cœur était bon, son esprit facile, mais peu étendu et peu éclairé. Philosophe par engouement