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Révolutions de Paris, comment se fait-il que ce même homme que le peuple portait en triomphe à sa maison au sortir de l’Assemblée constituante soit devenu aujourd’hui un problème ? Vous vous êtes cru longtemps la seule colonne de la liberté française. Votre nom était comme l’arche sainte. On ne pouvait y toucher sans être frappé de mort. Vous voulez être l’homme du peuple. Vous n’avez ni l’extérieur de l’orateur, ni le génie qui dispose des volontés des hommes. Vous avez animé les clubs de votre parole. L’encens qu’on y brûle en votre honneur vous a enivré. Le dieu du patriotisme est devenu un homme. L’apogée de votre gloire fut au 17 juillet 1791. De ce jour votre astre a décliné. Robespierre, les patriotes n’aiment pas que vous vous donniez en spectacle. Quand le peuple se presse autour de la tribune où vous montez, ce n’est pas pour entendre votre propre éloge, c’est pour vous entendre éclairer l’opinion publique. Vous êtes incorruptible, oui ; mais il y a encore de meilleurs citoyens que vous : ce sont ceux qui le sont autant que vous et qui ne s’en vantent pas. Que n’avez-vous la simplicité qui s’ignore elle-même, et cette bonhomie des vertus antiques que vous rappelez quelquefois en vous !

» On vous accuse, Robespierre, d’avoir assisté à une conférence secrète qui s’est tenue il n’y a pas longtemps chez la princesse de Lamballe en présence de la reine Marie-Antoinette. On ne dit pas les clauses du marché entre vous et ces deux femmes, qui vous auraient corrompu. Depuis ce jour on s’est aperçu de quelques changements dans vos mœurs domestiques, et vous avez eu l’argent nécessaire pour fonder un journal. Aurait-on eu des soupçons aussi injurieux contre vous en juillet 1791 ?