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même cette enceinte que vous m’y voyez maintenant assidu. Alors, en effet, le plus cher de mes vœux serait rempli. Heureux de la félicité publique, je passerais des jours paisibles dans les délices d’une douce et obscure intimité. »

Ces mots sont interrompus par le murmure d’une émotion fanatique. Robespierre se borne à ce peu de paroles, et ajourne sa réponse à la séance suivante. Le lendemain, Danton s’assied au fauteuil et préside la lutte entre ses ennemis et son rival. Robespierre commence par élever sa propre cause à la hauteur d’une cause nationale. Il se défend d’avoir provoqué le premier ses adversaires. Il cite les accusations intentées et les injures vomies contre lui par le parti de Brissot. « Chef de parti, agitateur du peuple, agent secret du comité autrichien, dit-il, voilà les noms qu’on me jette et les accusations auxquelles on veut que je fasse réponse ! Je ne ferai point celle de Scipion ou de La Fayette, qui, accusés à la tribune du crime de lèse-nation, ne répondirent que par le silence. Je répondrai par ma vie.

» Élève de Jean-Jacques Rousseau, ses doctrines m’ont inspiré son âme pour le peuple. Le spectacle des grandes assemblées aux premiers jours de notre révolution me remplit d’espérance. Bientôt je compris la différence qu’il y a entre ces assemblées étroites composées d’ambitieux ou d’égoïstes, et la nation elle-même. Ma voix y fut étouffée, mais j’aimai mieux exciter les murmures des ennemis de la vérité que d’obtenir de honteux applaudissements. Je portais mes regards au delà de l’enceinte, et mon but était de me faire entendre de la nation et de l’humanité. C’est pour cela que j’ai fatigué la tribune. Mais j’ai fait plus, j’ai donné Brissot et Condorcet à la France. Ces grands philosophes ont sans doute ridiculisé et combattu les prêtres ;