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l’envi, aux soupçons et à la colère des patriotes. Rœderer, Jacobin modéré, était accusé d’avoir assisté à un dîner de Feuillants, amis de La Fayette. « Je n’inculpe pas seulement Rœderer, s’écrie Tallien, je dénonce Condorcet et Brissot. Chassons de notre société tous les ambitieux et tous les Cromwellistes. »

« Le moment de démasquer les traîtres arrivera bientôt, dit à son tour Robespierre. Je ne veux pas qu’on les démasque aujourd’hui. Il faut que quand nous frapperons le coup, il soit décisif. Je voudrais ce jour-là que la France entière m’entendît ; je voudrais que le chef coupable de ces factions, La Fayette, assistât à cette séance avec toute son armée. Je dirais à ses soldats, en leur présentant ma poitrine : « Frappez ! » Ce moment serait le dernier de La Fayette et de la faction des intrigants. » (C’est le nom que Robespierre avait inventé pour les Girondins.) Fauchet s’excusa d’avoir dit que Guadet, Vergniaud, Gensonné et Brissot pouvaient se mettre heureusement pour la patrie à la tête du gouvernement. Les Girondins étaient accusés de rêver un protecteur, les Jacobins un tribun du peuple. Brissot monte enfin à la tribune. « Je viens me défendre, dit-il. Quels sont mes crimes ? J’ai fait, dit-on, des ministres. J’entretiens une correspondance avec La Fayette. Je veux faire de lui un protecteur. Certes, ils m’accordent un grand pouvoir, ceux qui pensent que de mon quatrième étage j’ai dicté des lois au château des Tuileries. Mais quand il serait vrai que j’eusse fait les ministres, depuis quand serait-ce un crime d’avoir confié aux mains des amis du peuple les intérêts du peuple ? Ce ministre va, dit-on, distribuer toutes les faveurs à des Jacobins. Ah ! plût au ciel que toutes les places fussent occupées par des Jacobins ! »