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ANTONIELLA

merci de la mort ! Viens ! entre avec moi ; tu verras mes deux beaux jumeaux, bien gras et bien riants, couchés sur la paille au pied du lit de leur père, mais qui me font tout oublier pendant qu’ils me prennent encore le sein et qu’ils jouent entre eux en mangeant leur soupe ; car mon mari, ajouta-t-elle d’un ton plus triste, sa blessure au bras coupé s’est rouverte il y a six mois, par l’effort qu’il a fait en allant porter de trop lourds paquets de linge blanc aux pratiques ; il languit depuis ce temps-là, tout enflé et tout impotent, dans notre unique lit, et je ne puis guère travailler, obligée que je suis de le soigner, de faire le ménage et de nourrir mes deux jumeaux. Mais, tant que le bon Dieu nous le conserve, sa pension d’invalide suffit à nous nourrir tous les