Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/143

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

108
souvenirs

elles décidaient du bonheur ou du malheur des familles. Sous ce dernier rapport, on a observé[1] que leur puissance était tout à fait identique, non-seulement à celle que l’on accorde généralement aux fées, mais encore à celle que la mythologie grecque attribuait aux Parques. D’ailleurs, le nom latin de ces dernières (fata, destinées) a la même étymologie — que celui de fatua, et tous les deux dérivent du verbe fari, prophétiser. — Il ne faut pas oublier non plus que si certains poëtes ont donné aux Parques le nom de sœurs filandières, quelques-unes de nos fées sont connues sous celui de fileuses. Par exemple, dans le canton de Mehunsur-Yèvre, les habitants du Rein-du-Bois, situé près de la belle fontaine du Griffon[2], vous parleront du Trou à la fileuse, antique mardelle cachée dans un bois voisin, et sur les bords de laquelle se promène, à certaines époques et pendant la nuit, une blanche fée portant une quenouille[3]. — D’un autre côté, si l’on juge du physique et du moral des Parques par les épithètes peu bienveillantes que les poëtes de l’antiquité ont accolées à leur nom, on trouvera une ressemblance de plus entre elles et nos Martes ou Marses ; mais lorsque l’on aura remarqué que plusieurs mythologues attestent que l’on donnait parfois aux Parques les noms de Marta, Marte, Martia[4] on sera convaincu, que nos fées de Montgarnaud

  1. Voy. la Normandie romanesque et merveilleuse, p. 90 et suiv.
  2. « Griffon, — point d’émergence d’une source, lieu où elle sort de terre : « Les griffons de Néris (eaux minérales). » (Boulanger, Géologie de l’Allier, p. 406; — Glossaire du Centre, au mot Griffon.)

    Il se pourrait, toutefois, que Fontaine du Griffon voulût dire ici Fontaine du Diable. C’est ainsi qu’en Saxe, Griffon-Stein signifie Pierre du Diable. — D’après Cambry (Monum. celt.) les griffons, dans la mythologie celtique, jouent le rôle de démons.

  3. Nous devons ce renseignement à l’obligeance de M. H. Boyer.
  4. Giraldi, entre autres, mentionne ces noms dans son Histoire des Dieux. — Voy. le Dict. de la Fable de Chompré, au mot Parques.