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du vieux temps

provinces, le géant Gargantua est regardé comme le constructeur d’un grand nombre de monuments druidiques.

Faut-il voir quelque analogie entre nos Marses berrichons et les Marses d’Italie, peuplade mystérieuse, composée d’enchanteurs et de magiciens, qui était venue de la Médie s’établir dans les Abruzzes et qui descendait de Marsus, petit-fils du soleil et fils de Circé[1] ? Nous serions fort disposé à le croire, car le pouvoir surnaturel de ces mêmes Marses fut longtemps célèbre dans les Gaules. « Sous les empereurs romains, dit M. de la Villemarqué, tout individu qui faisait le métier d’enchanteur, de quelque manière que ce fût, était appelé un Marse… La croyance populaire à la puissance surnaturelle des Marses persistait encore au sixième siècle en Gaule, et au neuvième siècle en Grande-Bretagne[2]. »

D’un autre côté, n’y a-t-il pas tout lieu de penser que nos Martes femelles sont les descendantes de ces prêtresses gauloises que d’anciens auteurs nous représentent comme des magiciennes ou des sorcières procédant, la nuit, à des sacrifices suspects, le corps entièrement nu et peint en noir, les cheveux épars, en proie à des transports frénétiques. Ainsi que les Martes, ces druidesses habitaient, aux bords des torrents, des lieux sauvages et inaccessibles. Le peuple, qui les croyait immortelles, leur supposait le plus grand pouvoir et les regardait comme très-redoutables. Au temps de nos rois carlovingiens, elles étaient connues sous les noms de fanæ, fatuæ gallicæ. D’après l’opinion générale, elles commandaient à la nature entière, soulevaient ou apaisaient les orages, se changeaient et métamorphosaient les gens en animaux de toute espèce, principalement en loups. Enfin,

  1. Voy., sur les anciens Marses, Ovide, Pline, Tacite,  etc.
  2. Histoire de l’enchanteur Merlin, ou Marthin (p. 4 et suiv.), par M. de la Villemarqué, membre de l’Institut.