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& se déféquant de ses parties épaisses & grossiéres, il les pousse vers les pores insensibles de la peau ; ou parce que le mauvais air, qui est renfermé dans nos Villages, n’ayant point de fenêtres à nos Cabanes, il se fait tant de feux & de fumée, que le peu de proportion que les parties de cet air renfermé ont avec celles du sang & des humeurs nous causent ces infirmitez. Voilà les seules que nous connoissions.

Lahontan.

Voilà, mon cher Adario, la premiére fois que tu as raisonné juste, depuis le temps que nous-nous entretenons ensemble. Je conviens que vous étés exempts d’une infinité de maux dont nous sommes accablez, c’est par la raison que tu me dis l’autre jour, que pour se bien porter, il faut que l’esprit se repose. Les Hurons étant bornez à la simple connoissance de la chasse ne fatiguent pas leur esprit & leur santé à la recherche de mille belles Sciences, par les veilles, par la perte du sommeil, par les sueurs. Un homme de guerre s’attache à lire & à aprendre l’histoire des guerres du monde, l’art de fortifier, d’attaquer, & défendre des Places ; il y employe tout son temps, encore n’en trouve-t’il pas de reste, durant sa vie, pour se rendre tel qu’il doit être ; l’homme d’Eglise s’employe nuit & jour à l’étude de la Théologie, pour le bien de la Religion ; il écrit des livres qui instruisent le peuple des affaires du salut, & donnant les heures, les jours, les mois & les années de sa vie à Dieu,