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& d’autres, qui sans avoir d’autre mal que celuy qu’ils s’imaginent avoir, détruisent leurs corps par des remédes auxquels la force des chevaux succomberoit. J’avoüe que parmi vous autres on ne voit point de ces sortes de foux-là ; mais, en recompense, vous ménagez bien peu vôtre santé ; car vous courez à la chasse depuis le matin jusqu’au soir tous nûs ; & vous dansez trois ou quatre heures de suite jusqu’à la sueur ; & les jeux de la balle que vous disputés entre six ou sept cens personnes, pour la pousser une demi lieue de terrain decà ou delà, fatiguent extrémement vos corps ; ils en afoiblissent les parties ; ils dissipent les esprits ; ils aigrissent la masse du sang, & des humeurs, & troublent la liaison de leurs principes. Ainsi tel homme, parmi vous, qui auroit vêcu plus de cent ans, est mort à quatre-vints.

Adario.

Quand même ce ce que tu dis seroit vrai, qu’importe-t’il à l’homme de vivre si long-temps ? puisqu’au dessus de quatre-vints la vie est une mort ? Tes raisons sont, peut-être, justes à l’égard des François, qui généralement paresseux détestent tout exercice violent ; ils sont de la nature de nos vieillards, qui vivent dans une si molle indolence, qu’ils ne sortent de leurs Cabanes que lorsque le feu s’y met. Nos tempéramens & nos Complexions sont aussi diférentes des vôtres que la nuit du jour. Et cette grande diférence que je remarque généralement en toutes choses entre les Européans & les Peuples du