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ans, qui en avoit prés de cent quarante, A l’égard de l’agitation que tu condamnes dans ces vieilles gens, je puis t’asseurer qu’au contraire s’ils demeuroient couchez sur leurs nattes, dans la Cabane, & qu’ils ne fissent que boire, manger & dormir, ils deviendroient lourds, pesans, & incapables d’agir ; & ce repos continuel empêchant la transpiration insensible, les humeurs, qui pour lors cesseroient de transpirer, se remêleroient avec leur sang usé ; de là surviendroit que par des effets naturels leurs jambes & leur reins s’afoibliroient & se décherroient à tel point qu’ils mourroient de phtisie. C’est ce que nous avons observé depuis long-temps, chez toutes les Nations de Canada. Les Jongleurs doivent venir tout à l’heure pour le Jongler, & sçavoir quelle viande ou poisson sa maladie requiert pour la guerison. Voilà mes Esclaves prêts pour aller à la chasse, ou à la pêche. Si tu veux bien t’entretenir un couple d’heures avec moy, tu verras les singeries de ces Charlatans, que (quoique nous les connoissions pour tels lorsque nous sommes en santé) nous sommes ravis & consolés de les voir quand nous avons quelque maladie dangéreuse.

Lahontan.

C’est qu’alors, mon cher Adario, nostre esprit est aussi malade que nostre Corps ; il en est de même de nos Médecins, tel les déteste, & les füit, quand il se porte bien, qui, malgré la connoissance de leur Art incertain, ne laisse pas d’en convoquer une douzaine ;