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Adario.

Tous ces gens-là ont l’esprit aussi mal tourné que le corps. J’ay veu certains Ambassadeurs de ces Nations dont tu parles. Les Jésuites de Paris me racontérent quelque histoire de leurs Pais. Ils ont le tien & le mien entr’eux, comme les François ; ils connoissent l’argent aussi bien que les François ; & comme ils sont plus brutaux, & plus intéressez que les François, il ne faut pas trouver étrange qu’ils aient approuvé les maniéres des gens qui les traitant avec toute sorte d’amitié, leur faisoient encore des présens à l’envi les uns des autres. Ce n’est pas sur ces gens-là que les Hurons se régleront. Tu ne dois pas t’ofencer de tout ce que je t’ay prouvé ; je ne méprise point les Européans, en leur présence ; Je me contente de les plaindre. Tu as raison de dire que je ne fais point de diférence, de ce que nous appellons homme d’honneur à un brigand. J’ay bien peu d’esprit, mais il y a assez de temps que je traite avec les François, pour sçavoir ce qu’ils entendent par ce mot d’homme d’honneur. Ce n’est pas pour le moins un Huron ; car un Huron ne connoît point l’argent, & sans argent on n’est pas homme d’honneur parmi vous. Il ne me seroit pas dificile de faire un homme d’honneur de mon esclave ; Je n’ay qu’à le mener à Paris, & luy fournir cent paquets de Castors pour la dépense d’un Carosse, & de dix ou douze Valets ; il n’aura pas plûtôt un habit doré avec tout ce train, qu’un chacun le saluera, qu’on l’introduira dans les meilleures Tables, & dans les plus célèbres Compagnies. Il n’aura qu’à donner des repas aux Gentishom-