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meilleur ? Y a-t-il des Hurons qui aïent jamais refusé à quelque autre sa chasse, ou sa pêche, ou toute ou en partie ? Ne cotizons nous pas entre toute la Nation les Castors de nos Chasses, pour suppléer à ceux qui m’en ont pû prendre suffisamment pour acheter les marchandises dont ils ont besoin ? N’en usons-nous pas de même de nos bleds d’Inde, envers ceux dont les champs n’ont sçeu raporter des moissons sufisantes pour la nourriture de leurs familles ? Si quelqu’un d’entre nous veut faire un Canot, ou une nouvelle Cabane, chacun n’envoye til pas ses esclaves pour y travailler, sans en être prié ? Cette vie-là est bien diférente de celle des Européans, qui feroient un procez pour un Beuf ou pour un Cheval à leurs plus proches parens ? Si un Fils demande à son Pére, ou le Pére à son Fils, de l’argent, il dit qu’il n’en a point ; si deux François qui se conoissent depuis vint ans, qui boivent & mangent tous les jours ensemble, s’en demandent aussi l’un à l’autre, ils disent qu’ils n’en ont point. Si de pauvres miserables, qui vont tous nuds, décharnez, dans les rues, mourans de faim & de misére, mendient une obole à des Riches, ils leurs répondent qu’ils n’en ont point. Aprés cela, comment avez vous la présomption de prétendre avoir un libre accez dans le Païs du grand Esprit ? Y a-t-il un seul homme au monde qui ne conoisse, que le mal est contre nature, & qu’il n’a pas été créé pour le faire ? Quelle esperance peut avoir un Chrêtien à la mort, qui n’a jamais fait de bien en sa vie ? Il faudroit qu’il crût que l’ame