Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reurs de Bois n’avoient la charité de vous porter des fusils, de la poudre, du plomb, du fil à faire des filets, des haches, des couteaux des aiguilles, des Alesnes, des ameçons, des chaudiéres, & plusieurs autres marchandises.

Adario.

Tout beau, n’allons pas si vîte, le jour est long, nous pouvons parler à loisir, l’un aprés l’autre. Tu trouves, à ce que je vois, toutes ces choses bien dures. Il est vray qu’elles le seroient extrémement pour ces François, qui ne vivent, comme les bêtes, que pour boire & manger ; & qui n’ont esté élevés que dans la molesse : mais di-moy, je t’en conjure, quelle diférence il y a de coucher sous une bonne Cabane, ou sous un Palais ; de dormir sur des peaux de Castors, ou sur des matelats entre deux draps ; de manger du rosti & du boüilli ; où de sales pâtez & ragoûts, aprêtez par des Marmitons crasseux ? En sommes nous plus malades ou plus incommodez que les François qui ont ces Palais, ces lits, & ces Cuisiniers ? Hé ! combien y en a-t-il parmi vous, qui couchent sur la paille, sous des toits ou des greniers que la pluye traverse de toutes parts, & qui ont de la peine à trouver du pain & de l’eau ? J’ay esté en France, j’en parle pour l’avoir veu. Tu critiques nos habits de peaux, sans raison, car ils sont plus chauds & résistent mieux à la pluye que vos draps ; outre qu’ils ne sont pas si ridiculement faits que les vôtres, auxquels on employe soit au poches, ou aux costez, autant d’étoffe qu’au corps de