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fort préocupé des tes manieres sauvages, & si peu porté à examiner les nôtres, comme il faut, que je ne daigneray plus me tuer le corps & l’ame, pour te faire connoître l’ignorance & la misére dans lesquelles on voit que les Hurons ont toûjours vécu. Je suis ton Ami, tu le scais ; ainsi je n’ay d’autre intérêt que celuy de te montrer le bonheur des François ; afin que tu vives comme eux, aussi bien que le reste de ta Nation. Je t’ay dit vint fois que tu t’ataches à considérer la vie de quelques méchans François, pour mesurer tous les autres à leur aune ; je t’ay fait voir qu’on les châtioit ; tu ne te paye pas de ces raisons là, tu t’obstines par des réponces injurieuses à me dire que nous ne sommes rien moins que des hommes. Au bout du conte je suis las d’entendre des pauvretez de la bouche d’un homme que tous les François regardent comme un trés habile Personnage. Les gens de ta Nation t’adorent tant par ton esprit, que par ton expérience & ta valeur. Tu es Chef de guerre & Chef de Conseil ; & sans te flatter, je n’ay guére veu de gens au monde plus vifs & plus pénétrans que tu l’es ; Ce qui fait que je te plains de tout mon cœur de ne vouloir pas te défaire de tes préjugés.

Adario.

Tu as tort, mon cher Frére, en tout ce que tu dis, car je ne me suis formé aucune fausse idée de vôtre Religion ni de vos Loix ; l’exemple de tous les François en général, m’engagera toute ma vie, à considérer tou-