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hende bien de n’avoir pas cette consolation. Il faut donc que vos Juges commencent les premiers à suivre les Loix, pour donner exemple aux autres, qu’ils cessent d’oprimer les Veuves, les Orphelins & les misérables ; qu’ils ne fassent pas languir les procez des Plaideurs, qui font des voyages de cent lieües ; en un mot, qu’ils jugent les causes de la même maniére que le grand Esprit les jugera. Que vos Loix diminuent les tributs & les impositions que les pauvres gens sont obligés de païer, pendant que les riches de tous états ne païent rien à proportion des biens qu’ils possédent. Il faut encore que vous défendiez aux Coureurs de Bois d’aporter de l’eau de vie dans nos Villages, pour arrêter le cours des yvogneries qui s’y font. Alors j’espéreray que peu à peu vous vous perfectionerez, que l’égalité de biens pourra venir peu à peu, & qu’à la fin vous détesterez cet interêt qui cause tous les maux qu’on voit en Europe ; Ainsi n’ayant ni tien ni mien, vous vivrez avec la même felicité des Hurons. C’en est assez pour aujourd’huy. Voilà mon Esclave qui vient m’avertir qu’on m’attend au Village. Adieu, mon cher Frére, jusqu’à demain.

Lahontan.

Il ne semble, mon cher Ami, que tu ne viendrois pas de si bonne heure chez moy, si tu n’avois envie de disputer encore. Pour moy, je te déclare, que je ne veux plus entrer en matiére avec toy, puisque tu n’és pas capable de concevoir mes raisonnemens, tu es si fort prévenu en faveur de ta Nation, si