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taines maisons faire des hurlemens affreux mêlés de cris & de plaintes effroyables, ils y paroissent tous en feu plus hauts que des arbres, traînant des chaînes aux pieds, portant des serpens dans la main ; enfin ils épouvantent tellement les gens, qu’on est obligé d’aller chercher les Prêtres pour les exorciser, croyant que ce sont des ames qui viennent du Purgatoire en ce monde, y demander quelques Messes, dont elles ont besoin pour aller jöuir de la veüe de Dieu. Il ne faut donc pas que tu t’étonnes si on les fait brûler sans remission, selon les Loix dont nous parlons.

Adario.

Quoi ! seroit-il possible que tu croïes ces bagatelles ? Il faut asseurément que tu railles, pour voir ce que je répondray. C’est apparemment de ces contes que j’ay veu dans les fables d’Esope, livres où les Animaux parlent. Il y a icy des Coureurs de Bois qui les lisent tous les jours, & je me trompe fort si ce que tu viens de me raconter, n’y est écrit. Car il faudroit être fou pour croire sérieusement, que le méchant Esprit, supposé qu’il soit vray qu’il y en ait un, tel que les Jésuites me l’ont dépeint, eût le pouvoir de venir sur la Terre. Si cela étoit, il y feroit assés de mal luy-même sans le faire faire à ces Sorciers, & s’il se communiquoit à un homme il se communiqueroit bien à d’autres ; & comme il y a plus de méchans hommes que de bons parmi vous, il n’y en a pas un qui ne voulût être sorcier ; alors tout seroit perdu, le Mon-